mercredi 25 juillet 2012

On vient à la rescousse des collectivités


http://www.territorial.fr/PAR_TPL_IDENTIFIANT/19859/TPL_CODE/TPL_REVUE_ART_FICHE/PAG_TITLE/Emprunts+toxiques+%3A+on+vient+%E0+la+rescousse+des+collectivit%E9s/47-lettre-du-cadre.htm

Emprunts Toxiques ... Crédits Toxiques
La lettre de cadre territorial, 15 juillet 2012

De nombreuses collectivités se sont insurgées contre les produits financiers toxiques (emprunts et swaps) qu'elles ont souscrits auprès de banques peu scrupuleuses dans les années 2006-2007. Un certain nombre d'entre elles ont saisi les tribunaux pour voir annuler les conditions de ces contrats, conclus notamment avec Dexia et RBS, et obtenir un retour à des conditions bancaires acceptables.
De fait, ces opérations financières faisant appel à des produits hautement spéculatifs et risqués ne pouvaient être valablement souscrites par des collectivités gestionnaires de deniers publics, ni être conçues au détriment de celles-ci. Elles impliquaient en outre une obligation de mise en garde à la charge des banques, toutes obligations auxquelles les banques sont en l'occurrence allègrement contrevenues.
De plus, résistant à la dérive financière que la crise de 2008 a révélée, certaines collectivités ont, sans attendre, refusé de continuer à payer les annuités dues. Bien que les banques elles-mêmes n'invoquent pas la déchéance du terme prévu dans leurs contrats à défaut de paiement des échéances exigibles, certains préfets considèrent que ces échéances constituent des dépenses obligatoires, au sens de l'article L.2321-1 du CGCT, dont la collectivité ne peut unilatéralement se dispenser.


«Pas de caractère obligatoire»

Pour imposer le respect des contrats bancaires, plusieurs préfets menacent actuellement de faire reconnaître par les chambres régionales des comptes le caractère obligatoire de ces dépenses contractuelles. Mais voilà que la CRC d'Auvergne Rhône-Alpes (1) vient de renforcer la position des collectivités. Saisie par le préfet de l'Isère du non-
paiement des intérêts de deux emprunts souscrits par la commune de Sassenage, la CRC vient de poser, par avis du 31 mai 2012, qu'en présence d'une « dette qui fait l'objet, de la part de la collectivité, d'une contestation sérieuse dans son principe et dans son montant », « la dépense nécessaire à l'acquittement de ladite dette ne présente pas un caractère obligatoire », sans même « qu'il soit besoin de s'interroger sur le bien-fondé de la contestation des sommes correspondant à la dette litigieuse ».
Cet avis bat en brèche l'analyse des contrôles de légalité qui se refusait à prendre en considération la légitimité du refus opposé par les collectivités pour privilégier l'exécution des termes d'un contrat, alors même que l'annulation en est expressément réclamée.
Cette solution adoptée par la chambre régionale des comptes d'Auvergne Rhône-Alpes devrait donc permettre aux collectivités victimes de produits toxiques de suspendre leurs paiements aux banques dans l'attente de l'issue des procédures contentieuses engagées.


Une contestation sérieuse

Il en est d'autant plus ainsi que la cour d'appel de Paris vient de prendre position en ce sens par arrêt du 4 juillet 2012 (2) en confirmant l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris du 26 avril 2011 (3). Dans l'attente de l'issue du procès en annulation de contrats de swaps opposant la ville de Saint-Étienne à RBS, le TGI et la CA de Paris ont en effet rejeté la demande de RBS en paiement des échéances d'intérêts exigibles.
Les banques, comme les collectivités, attendaient de pied ferme cet arrêt pour se déterminer sur la position à adopter quant au paiement des échéances des contrats pendant la durée des procès. Cette décision devrait donc permettre aux collectivités de lancer plus sereinement leurs actions en annulation, sans encourir le risque d'une demande d'exécution forcée intempestive des banques.
La motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris est en outre particulièrement significative puisqu'elle prend en considération l'interdiction faite aux collectivités de souscrire ces contrats à caractère spéculatif. La Cour retient en effet que si : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, cette force légale n'existe cependant, devant le juge des référés, juge de l'évidence, que pour autant que la licéité de la convention ne soit pas entachée d'une contestation sérieuse  ». « Tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors qu'il n'est pas contesté que les prêts en cause sont soumis, après une première période de taux fixe, à un taux variable, sans qu'aucun plafond de ce taux ne soit prévu, ce qui contrevient à l'interdiction pour ces collectivités de souscrire à des contrats spéculatifs et renvoie aux conditions de passation de ces prêts au regard notamment de cette contrainte légale et de l'obligation de conseil de la Royal Bank  ».


*Un an pour agir

On rappellera que les collectivités ne doivent pas trop tarder à se mobiliser pour engager leurs actions en annulation puisque, pour les contrats conclus jusqu'au 18 juin 2008, le couperet de la prescription tombera le 18 juin 2013.
Les banques « jouent la montre » jusqu'à cette date, de vaines propositions de médiation et de restructuration étant ainsi fréquemment présentées aux collectivités afin de retarder leurs actions.
1. Avis n° 2012-115 du 31 mai 2012 de la CRC d'Auvergne, Rhône-Alpes.
2. Arrêt n° 11/21801 du 4 juillet 2012 de la Cour d'appel de Paris
3. Ordonnance de référé n° 11/55520 du 24 novembre 2011 du TGI de Paris.


*La prescription étant trentenaire jusqu’à la loi du 18 juin 2008 qui a instauré une prescription de 5 ans.
L’article 2222 du Code civil, issu de cette loi, dispose : «  (…) En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
C’est pourquoi le nouveau délai de prescription de 5 ans court à compter de l’entrée en vigueur de cette loi pour expirer le 18 juin 2013.

Précision apportée par Maître Josette Favé (auteure de l'article ci dessus)
jfave@gaia-avocats.com
Avocat à la Cour, Cabinet GAIA

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